Communiqués

  1. La Maison Anne et Charles de Gaulle donne 50 000 masques pour les personnes porteuses d’une trisomie-21 et des gens de Terrebonne

  2. Pourquoi faire la grève de la faim (mai 2019)

  3. Journée mondiale de la Trisomie (21 mars 2019)

  4. « L’inaptitude à gouverner, ou quand l’incapable protège le vulnérable » (septembre 2018)

  5. Diagnostic prénatal de la Trisomie-21 (4 juillet 2018)

  6. Lettre au Premier ministre du Québec (4 juillet 2018)

  7. Propos discriminatoires tenus lors d'une émission de télévision (27 octobre 2015)

  8. Prix du Gouverneur général du Canada pour l’entraide (14 avril 2015)

  9. Journée internationale de la Trisomie-21 (21 mars 2015)

  10. La Trisomie-21 et le devoir de réserve du médecin (août 2014)

  11. Utilisation du pistolet Taser sur une personne vivant avec une trisomie-21 : le préjudice de vivre (décembre 2010)

 

La Maison Anne et Charles de Gaulle donne 50 000 masques pour les personnes porteuses d’une trisomie-21 et des gens de Terrebonne


Terrebonne, le 25 janvier 2021 – Centre national de la Trisomie-21, la Maison Anne et Charles de Gaulle a acheté 50 000 masques pour les donner aux OEuvres de Galilée. Cet organisme communautaire de Terrebonne redistribuera les masques à ses bénéficiaires, notamment des personnes vivant avec une trisomie-21. Ce don vise à protéger non seulement les personnes qui vivent avec ce syndrome, qui ont un risque élevé de souffrir et de mourir de la COVID-19, mais aussi leurs proches et les familles démunies de Terrebonne.


Les gens atteints d’une trisomie-21, très vulnérables à la COVID-19

Auparavant et depuis le début de la pandémie, la Maison Anne et Charles de Gaulle avait déjà distribué 15 000 masques et des produits désinfectants à des familles concernées par la trisomie-21 à travers le Québec. Pour le président de l’organisation, Sylvain Fortin, de tels dons sont une priorité, compte tenu des ravages que le coronavirus peut faire auprès des personnes porteuses d’une trisomie-21.

« Il faut d’abord se rappeler que ces gens ont un système immunitaire fragile, donc une plus grande sensibilité aux infections, et que leur corps vieillit prématurément, indique M. Fortin. Il n’est donc pas étonnant que des études récentes, notamment une menée en Grande-Bretagne en octobre dernier auprès de 8 millions d’adultes, aient révélé que, dès l’âge de 40 ans, ces personnes ont 4 fois plus de risque que les autres d’être hospitalisées à cause de la COVID-19 et 10 fois plus de risque d’en mourir. »

Les statistiques de décès confirment hélas ces risques : les adultes de 40 ans ou plus, atteints de la COVID-19 et vivant avec une trisomie-21 ont un taux de décès similaire à celui des patients sans trisomie âgés d’au moins 80 ans, soit la mort pour 45% d’entre eux. Enfin, cette vulnérabilité est aggravée par le fait que les personnes porteuses de trisomie-21 ne peuvent pas comprendre ce qu’est un virus ni pourquoi s’en protéger. De plus, leur naturel affectueux les porte à se rapprocher physiquement des gens.

Des masques pour tous

Marie-Ève Plante, directrice des OEuvres de Galilée, et Francine Bertrand, présidente de l’organisme, ont été très émues de ce don de 50 000 masques. « Nous ne nous y attendions pas, c’est une initiative de M. Fortin, raconte Mme Plante. Bien sûr, nous en donnerons aux élèves vivant avec une trisomie-21 et que nous accueillons du secondaire, mais aussi à nos autres bénéficiaires. Comme ceux-ci sont en situation de vulnérabilité financière, l’achat de masques peut être problématique pour eux ou, s’ils n’ont qu’un seul masque, il peut être porté pendant plusieurs semaines et dans certains cas, par plusieurs membres d’une même famille, avec les risques que cela comporte. »

M. Fortin et Mmes Plante et Bertrand ont la même vision d’une société d’entraide, celle où il faut combattre les inégalités croissantes et venir en aide aux personnes vulnérables; sinon, ce n’est pas seulement celles-ci qui souffrent mais aussi toute la société.

À propos de la Maison Anne et Charles de Gaulle

Créée en 2000 sous le nom de Société québécoise de la Trisomie-21, l’organisation est rebaptisée en 2018 en l’honneur du général de Gaulle et de sa fille Anne, porteuse du syndrome. Centre national pour les personnes vivant avec une trisomie et leurs proches, l’organisation leur offre aide et soutien, notamment des services juridiques, en plus d’oeuvrer à des programmes d’enseignement et de recherche. Actuellement, la Maison travaille à la création d’un mémorial dédié à la trisomie-21, d’un centre de jour et d’une maison d’hébergement pour les adultes atteints du syndrome et leurs parents âgés.

À propos des OEuvres de Galilée

Fondé en 1989, les OEuvres de Galilée sont un organisme communautaire offrant plusieurs services aux personnes et familles démunies de la région de Terrebonne. Ainsi, il fournit quelque 7000 dépannages alimentaires et 250 paniers de Noël par année ainsi que des cuisines collectives et un jardin éducatif, du référencement et, en collaboration avec plusieurs organismes ou institutions, des activités de réinsertion sociale, notamment pour des élèves ayant des difficultés langagières.

Sources :

Sylvain Fortin, LL.M.
Président, Maison Anne et Charles de Gaulle
Tél. : 450 824-9228
www.degaulle-trisomie21.org

Marie-Ève Plante
Directrice des OEuvres de Galilée
Tél. : 450 492-9442
www.galileeterrebonne.com

 

 

Pourquoi faire la grève de la faim


Pour dénoncer et combattre la violence politique du gouvernement de la CAQ
...Mais de quelle violence parlons-nous?
 
En période électorale, la députée Marguerite Blais, souhaitant alimenter son profil Twitter, a insisté pour se faire photographier avec le soussigné, le programme de notre projet de Maison des Aînés entre les mains. En bout de ligne, deux photographies pour le moins édifiantes auront servi à mousser une candidature déjà sirupeuse au moyen d’une initiative à visage humain. Lorsqu’en 2005 le Québec a, pour la toute première fois, envisagé l’établissement d’un CHSLD adapté à la réalité des bénéficiaires, où des services personnalisés seraient rendus à des individus plutôt qu’à des numéros sur une liste, l’idée venait de la Société québécoise de la Trisomie-21. Et elle ne nous était pas venue par hasard, cette idée : la province venait de souffrir de la perte d’une seconde personne âgée vivant avec une Trisomie-21, morte de faim et de soif en raison du décès impromptu du proche aidant qui en prenait soin. N’eût été de l’intervention de la SQT-21 (qui a organisé et financé des funérailles décentes), deux corps auraient été jetés dans une fosse commune, sans cérémonie. Suite à nos démarches, la SQT-21 s’est mise à recevoir des centaines d’appels de septuagénaires, octogénaires et nonagénaires inquiets, tous parents d’une personne vivant avec une Trisomie-21. Or une question se retrouvait sur toutes les lèvres : « Qu’arrivera‑t-il à mon enfant lorsque je ne serai plus là? »

Ces parents d’âge mûr (sinon avancé) sont, pour la plupart, devenus des membres actifs de l’organisme. Ce sont eux qui nous ont insufflé le désir d’agir rapidement et efficacement.

Un peu avant la période de Noël, la Maison Anne et Charles de Gaulle avait (à juste titre) le cœur à la fête. De fait, le député de Terrebonne avait même annoncé au soussigné, lors d’une rencontre émouvante à son bureau de comté, que « deux ministres souhaitaient réaliser le projet ». Or que penser de ce qui suit...

La candidate Marguerite Blais a utilisé le plan détaillé de notre projet à celui de Maison des Aînés proposé en période électorale par la CAQ. Rappelons que le soussigné ne l’avait pas approchée en tant que partisan, mais bien comme le président d’un organisme de portée nationale. Madame Blais s’est donc engagée à soutenir le projet « si elle était élue ».

Or elle l’a été, élue. Au cours du mois de janvier, sa chef de cabinet nous a demandé « Pourquoi voulez‑vous créer un ghetto? », son conseiller politique nous a lancé « Vous me faites rire », et son attaché de presse a affirmé en plein journal Le Soleil que nous n’étions « pas représentatifs de la communauté de la Trisomie-21 »... alors même que le soussigné préside l'organisme national pour la Trisomie‑21 depuis deux décennies.

Pour joindre l’insulte à la blessure, Madame Blais nous a transmis (par l’entremise de sa sous‑ministre adjointe et de la directrice de la déficience intellectuelle du CISSS de Lanaudière) deux lettres à l’effet que la Maison Anne et Charles de Gaulle « ne répondait ni aux besoins, ni aux orientations ».

Pourtant, le Protecteur du Citoyen dénonçait l’année dernière une « situation de quasi maltraitance » au sein des CHSLD. Or qu’apportions-nous donc aux personnes souffrant d’une déficience intellectuelle, sinon une solution en tous points adaptée aux expectatives de familles directement concernées par le processus de double vieillissement de parents et d’enfants vivant avec une Trisomie-21?

Devant ce discours à multiples faces alimenté par un mépris à peine voilé, le soussigné a décidé de protester en annonçant une grève de la faim devant le bureau de comté du député de Terrebonne.

Le mercredi précédant la parution d’un article dans Le Soleil, soit le 13 février dernier, le député de Terrebonne, Pierre Fitzgibbon (ami de François Legault depuis la plus tendre enfance), a rejoint le soussigné sur son cellulaire pour lui dire : « Vous pouvez bien la faire, votre grève de la faim, et crever dessus si ça vous chante. J’ai fait part de vos intentions au conseil des ministres. François Legault n’a pas vraiment aimé et a ordonné à tous ses ministres de ne plus jamais vous adresser la parole. »

En bout de ligne, le soussigné subit des représailles de la part du nouveau gouvernement uniquement parce qu’il a planifié une grève de la faim tout ce qu’il y a de pacifique. Cela nous rappelle Voltaire, qui suggérait que pour savoir qui nous gouverne, on n’a qu’à identifier ceux que l’on n’a pas le droit de critiquer.

Si nous en sommes arrivés là, c’est uniquement parce que le gouvernement a fait volte-face au sujet de la Maison des Aînés pour personnes ayant une déficience intellectuelle. L’équation ne fait guère de sens : on se fait dire un « oui » retentissant, on essuie un « non » à 180 degrés, on manifeste contre un tel manque de logique, et on devient un paria parce qu’on soulève l’évidence.

La ministre McCann a annoncé haut et fort, le 23 mars dernier, à l’Université de Montréal, que « l’époque des représailles était révolue dans le système de santé au Québec ». Pourtant, Pierre Fitzgibbon, qui ne songe apparemment qu’à son image politique, n’hésite pas à éteindre ceux qui peuvent lui faire ombrage. On voit son influence auprès de François Legault qui désire assouplir le Code d’éthique et de déontologie de l’Assemblée nationale uniquement que pour lui venir en aide. Notre mission sociale, dans tout ça? Who cares.    
     
Un leader ne réussit que s’il fait grandir les autres. Pierre Fitzgibbon, lui, perfectionne l’art de marcher sur le plus de têtes possible à seule fin de garder la sienne hors de l’eau.

Qu'en est-il de la ministre McCann?  Le 19 février dernier, dans la foulée du programme québécois de dépistage prénatal de la Trisomie-21, nous lui avons transmis une demande de soutien financier animée de préoccupations éthiques alignées aux recommandations que le Commissaire à la santé et au bien-être avait émises en 2009 et auxquelles nous sommes les seuls à assurer un suivi. Ô surprise : une autre initiative demeurée sans réponse.

Où est donc la ministre provinciale de la justice, si friande de rectitude et de droiture, lorsqu’on assiste ni plus ni moins à l’écroulement de l’ordre social?

Lors du dévoilement de son Conseil des ministres, François Legault nous a promis un « gouvernement de proximité, d’humanité et d’ouverture ». Pourtant, un OSBL de portée nationale tel que la Maison Anne et Charles de Gaulle se retrouve inscrit à la liste noire après quelques semaines seulement. On réécrit ici une parabole des plus célèbres : « Demandez et vous recevrez... un bras d’honneur. »
 
Sylvain Fortin, B.Sc., D.E.S.S., LL.M.
Président, Maison Anne et Charles de Gaulle – Centre national de la Trisomie-21

 

 

Journée mondiale de la Trisomie 21

Avec la quantité d’appels ou de signaux qui nous parviennent quotidiennement, il est naturel que nous n’en retenions qu’une faible partie. Devenu pléthorique, notre monde moderne ressemble à une vaste caisse de résonance où une multitude de voix cherchent à se faire entendre et à attirer notre attention. Depuis l’apparition des médias sociaux, ce phénomène s’est encore accentué. Les occasions qui nous sont données de nous joindre à des mouvements, de signer des pétitions, de participer à des manifestations, de souligner des évènements ou encore de commémorer des journées jugées dignes d’intérêt sont devenues légion. Sur le seul site web des « Journées mondiales » (www.journee-mondiale.com/les journes-mondiales.htm) consacrées à une cause ou à un sujet à travers le monde, on en trouve répertoriées près de 400!
 
Une volonté de l’ONU
 
Il se trouve qu’en ce 21 mars 2019, parmi six autres commémorations, une Journée mondiale est consacrée à la Trisomie 21. Je tiens à le souligner, car ceux et celles qui en sont affectés sont parmi les plus démunis dans nos sociétés. C’est si vrai que l’ONU elle-même a tenu à leur consacrer une journée en 2012. S’inscrivant dans la suite de la Convention relative aux droits des personnes handicapées qui avait été conclue à New York en décembre 2006, cette Journée est distincte de celle réservée aux personnes handicapées qui a lieu chaque année le 3 décembre. Pourquoi cette reconnaissance particulière? Sans doute parce que les personnes atteintes par cette anomalie génétique représentent des défis particuliers pour la société et qu’on a mis du temps à le réaliser. Le 21 mars 2014, le Secrétaire général de l'ONU, M. Ban Ki-Moon le soulignait en rappelant que « (…) les personnes handicapées – notamment celles qui souffrent de la trisomie 21 – sont en proie à la stigmatisation, à la discrimination et à l’exclusion », et que cela atteint non seulement « ces personnes et leur famille, mais la société tout entière »!
 
Alors que nous venons tout juste de commémorer la Journée internationale des Femmes le 8 mars dernier, il est par ailleurs important de souligner que l’inégalité des sexes existe aussi parmi les handicapé(e)s. Dans son préambule, à son alinéa q), la Convention relative aux droits des personnes handicapées reconnaît en effet que « les femmes et les filles handicapées courent souvent, dans leur famille comme à l’extérieur, des risques plus élevés de violence, d’atteinte à l’intégrité physique, d’abus, de délaissement ou de défaut de soins, de maltraitance ou d’exploitation » que ceux du sexe opposé. Devrait-on s’en surprendre quand on voit le sort réservé aux femmes dans le monde?
 
Les petites mesquineries
 
Quand j’ai fondé la Société québécoise de la Trisomie-21 il y a 20 ans, c’est parce que je constatais que les droits, mais aussi les conditions de vie des personnes vivant avec une trisomie 21 et leur famille, étaient confrontés plus souvent qu'à leur tour à l'injustice, à la discrimination, au harcèlement, au mépris, voire à l'exploitation, et j’ai voulu corriger cela en sensibilisant le public à cette question.
 
À l’époque, il n’y avait que trois organismes au Québec qui s’occupaient de cette question, et ils étaient locaux. Comme je voulais que les personnes qui vivent avec une trisomie 21 soient représentées et soutenues à l’échelle nationale, j’ai fondé la SQT-21, aujourd’hui la Maison Anne et Charles de Gaulle. J’ai été le premier à réaliser ce projet à l’échelle nationale. J’ai aussi été le premier à produire 4 campagnes nationales de sensibilisation à la Trisomie-21, dont une à travers un long périple qui m’a amené à parcourir à vélo l’ensemble du territoire québécois. C’est à cette occasion que j’ai pu rejoindre près de 800 familles qui sont ensuite devenues membres de ma Société.
 
Je croyais alors me joindre à un univers de solidarité sociale. J’ai déchanté rapidement. Trois autres organismes ne l’acceptaient pas et ont tout fait pour nuire aux chances de succès de mon organisme. En coulisse bien sûr… Il en va souvent ainsi dans les organisations qui occupent ce qu’elles croient être le même terrain. Ils se font la guerre pour occuper la position dominante et ainsi obtenir les plus grosses subventions et le plus grand nombre d’adhérents – quitte à les voler à leurs vis-à-vis. Sauf que présentement ils ont dépassé les bornes.
 
Pour n’invoquer qu’un seul exemple parmi cent autres, où étaient ces organismes qui prétendent s’occuper des personnes qui vivent avec une trisomie 21 lorsque, en 2004, 2010 et 2012, des personnes âgées ayant une trisomie 21 sont mortes de faim et de soif quand leurs proches aidants sont eux-mêmes décédés prématurément? Un seul organisme, la Société québécoise de la Trisomie-21, s’est mobilisée afin d’organiser et de financer des funérailles un tant soit peu convenables, à défaut de quoi ces personnes auraient ni plus ni moins été jetées dans des fausses communes!
 
Je l’ai dit plus tôt : les personnes vivant avec une trisomie 21 ont des besoins spécifiques qui ne sont pas ceux des handicapés en général, et c’est pourquoi il leur faut un organisme qui s’occupe précisément de voir à leur droit, intérêt, bien-être et à leurs conditions de vie.       Il y a près de 10 500 familles québécoises qui vivent avec des personnes porteuses de la trisomie 21. En raison de leur espérance de vie (plus de 70 ans aujourd’hui), bon nombre de ces personnes survivront à leurs parents. C’est un fait! Sur qui pourront-elles dorénavant compter si elles n’ont plus personne pour s’en occuper adéquatement?
 
Sylvain Fortin, B.Sc., D.E.S.S., LL.M.
Président, Maison Anne et Charles de Gaulle – Centre national de la Trisomie-21

 

 

« L’inaptitude à gouverner, ou quand l’incapable protège le vulnérable »

Dans la foulée de la campagne électorale qui s’achèvera le 1er octobre prochain, le parti libéral du Québec scande le slogan « Pour faciliter la vie des québécois ». Or lorsqu’il est question de protéger les intérêts des quelques 10,500 québécois nés et vivant avec une Trisomie-21, une telle devise sonne tellement faux qu’elle prend les contours du mensonge le plus effronté.

À l’aube des élections tenues en 2014, notre futur premier ministre Philippe Couillard nous affirmait la main sur le coeur qu’il « gouvernerait pour tout le monde ». Or, après quatre années des plus vides et insignifiantes qu’ait connues la scène politique du Québec, force nous est de constater que l’intéressé est non seulement incapable d’agir de la sorte, mais qu’au surplus il n’a aucun désir de le faire. 
 
Au Québec, on empile les uns sur les autres les pivots bureaucratiques habilités à recevoir des plaintes mais encore plus habiles à les ignorer : Protecteur du citoyen, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Vérificateur Général, Office des personnes handicapées, Ombudsman de tous acabits et 125 députés de toutes provenances. Et pourtant,  jamais la situation des personnes qui vivent avec une Trisomie-21 ne sait jamais aussi mal porté que présentement.
 
Facilitée par le règne des libéraux, la vie de ces gens? Permettez-moi d’en douter fort. Au cours des pénibles années Couillard, nous avons dû organiser, coordonner et financer les funérailles de deux personnes ayant une trisomie-21 mortes de faim et de soif suite au décès du parent qui en prenait soin. Or lorsque j’ai contacté personnellement le bureau du premier ministre à ce sujet, on m’a répondu sèchement et sans grand intérêt que « ça n’était pas de leurs affaires ». Quelle surprise : la seule véritable reconnaissance à laquelle les québécois ayant une trisomie-21 ont eu droit au cours des dernières années s’est limitée à une révision terminologique. Alors que le Code civil du Bas-Canada avait déjà abandonné (on n’arrête pas le progrès!) les étiquettes d’idiots et d’imbéciles pour le terme générique « inaptes », le Code civil du Québec a récemment introduit la notion un peu plus noble de « personnes vulnérables ».
 
Mais au-delà des mots, l’équation demeure la même : au Québec, ce sont les personnes les plus vulnérables qui sont les moins bien protégées. Et avec l’implantation de plus en plus solide du Programme Québécois de Dépistage Prénatal de la Trisomie-21, le Québec s’est doté d’une politique mur à mur d’élimination à la source de la problématique que semble représenter, pour le gouvernement libéral, la naissance de citoyens affectée par la Trisomie-21. Chapeau : rien ne facilite davantage la vie d’un bénéficiaire de services sociaux que la conviction qu’il est une nuisance, coûte trop cher, et n’aurait jamais dû venir au monde.

Le message que le gouvernement libéral transmet aux québécois qui vivent avec une Trisomie-21 est on ne peut plus clair : l’avortement est non seulement thérapeutique mais justifié, puisqu’il est convenable et même souhaitable d’éliminer, avant leur naissance, ceux qui seraient comme vous.  Il s’agit là d’un traitement cruel, inusité et carrément inhumain. Et le pire, c’est qu’avant la mise en place définitive du programme de dépistage, le premier ministre Couillard avait demandé au Commissaire à la santé et au bien-être du Québec d’organiser et de tenir des consultations ciblées, auxquelles j’ai d’ailleurs participé. Au terme de ce processus, le Commissaire a confirmé au premier ministre qu’il pouvait implanter le programme à condition qu’il veille à améliorer la quantité et la qualité des services offerts à la population vivant avec une Trisomie-21. Or le premier ministre a donné suite à une moitié de la recommandation : il a bel et bien implanté le programme. L’autre moitié, il l’a balancée aux oubliettes avec le reste de ses promesses.

Une question capitale se présente d’elle-même : si le premier ministre Couillard entend vraiment faciliter la vie des québécois...de quels québécois parle-t-il? Parce que s’il est une chose que le dernier règne libéral nous a apprise et amplement prouvée, c’est bien que l’approche est loin d’être générale et penche nettement du côté de l’élitisme. Or comment un gouvernement lui-même inapte peut-il répondre aux attentes de ses citoyens vulnérables?

Le neuropsychiatre français Boris Cyrulnik a écrit que chaque être humain a besoin d’une étoile du berger pour le guider sur le chemin de l’existence. Or pour demeurer dans le même ordre d’idée, contentons-nous de reconnaître que lorsqu’il est question de Trisomie-21, l’étoile de Philippe Couillard brille à plusieurs millions d’années-lumière de distance – bien trop loin pour « faciliter la vie » de qui que ce soit. 

 

Sylvain Fortin, B.Sc., D.E.S.S., LL.M.
Président, Maison Anne et Charles de Gaulle – Centre national de la Trisomie-21

 

 

Diagnostic prénatal de la Trisomie-21

Confortablement nichée à Bâle, à proximité des Alpes Suisses, la multinationale Roche est la plus grande entreprise biotechnologique de la planète, en même temps que le leader mondial en matière de diagnostic in vitro et de détection histologique du cancer. À juste titre connue comme le Groupe Roche, l’entreprise compte 94 000 employés répartis sur toute la surface du globe, et a déclaré à son dernier bilan financier un chiffre d’affaires global de l’ordre de 53.3 milliards de francs suisses (soit environ 71 milliards de dollars canadiens). Elle est, entre autres choses, propriétaire de Genentech (l’un des géants américains de la sphère pharmaceutique) et actionnaire majoritaire de Chugai Pharmaceutical (le chef de file japonais).
 
L’image même de la réussite? Si on veut.
 
Voyez-vous, Roche est également l’heureuse génitrice d’Harmony, un test de dépistage prénatal de la trisomie-21. Dans le cadre d’un article diffusé sur le fil de presse CNW Telbec, le 27 juin dernier, l’entreprise vantait sans retenue les mérites d’Harmony, maintenant disponible dans 100 pays et ayant été réalisé à 1.4 million de reprises. Or ce serait maintenant à Santé Canada d’homologuer le test, une demande d’évaluation et d’approbation ayant été présentée aux autorités compétentes. De fait, s’il faut en croire une directive clinique de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) et du Collège canadien de généticiens médicaux (CCGM), « toutes les femmes enceintes au Canada, quel que soit leur âge, devraient avoir le choix d’une échographie et d’un test de dépistage prénatal pour détecter (…) le syndrome de Down et les anomalies congénitales majeures. »
 
En pratique, et pour tout résumer en peu de mots, Harmony est un test de dépistage sanguin pouvant être réalisé à compter de la 10e semaine de grossesse. En évaluant sommairement l’ADN fœtal mélangé au sang maternel, on estime les probabilités que le bébé soit porteur d’une trisomie-21. Le taux de réussite du test, s’il faut en croire Roche, toujours, se situerait au‑delà des 99%. À ce jour, le coût des tests de dépistage prénatal tels qu’Harmony sont remboursés (suivant certaines conditions) par les gouvernements de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et du Yukon. Or le gouvernement libéral du Québec a annoncé, en avril dernier, qu’il concrétisera, au cours de la prochaine année, le financement public du test Harmony.
 
Une initiative qui laisse pour le moins perplexe, quand on considère que l’une des pierres de touche du gouvernement québécois a toujours été (et demeure) d’ignorer les besoins des citoyens de la province vivant avec une trisomie-21. Débloquer des fonds publics pour améliorer les conditions d’existence de quelques 10 500 personnes (devant, pour la plupart, compter sur l’aide et le soutien de leurs proches)? Jamais de la vie. Financer une entreprise privée encaissant déjà des milliards dans un autre pays pour éliminer les porteurs de la trisomie‑21 et donc réduire leur nombre en bout de ligne? Yes sir !
 
Qu’on me corrige si je me trompe, mais (à moins que le monde se soit mis à tourner dans l’autre sens au cours de la dernière nuit), la femme enceinte doit au départ subir deux ou trois tests de routine, en cours de grossesse, en vue de s’assurer que celle-ci peut être menée à terme sans risques pour sa santé et celle du bébé. Ces tests ont une vocation purement préventive, puisque la mère qui s’y soumet désire, plus que tout, donner naissance. Or avec le test de dépistage prénatal, le raisonnement bascule à 180 degrés : la mère qui s’y prête a, au départ, l’intention d’éliminer le fœtus en cas de résultat négatif. Sinon, pourquoi le passer? « Test », mon œil : on parle clairement d’exclusion – qu’on glorifie en rappelant avec tambours et trompettes qu’en bout de ligne, tout sera gratuit. Quelqu’un aurait-t-il une meilleure définition du mot «  déresponsabilisation »?
 
La composante de « gratuité » du test de dépistage prénatal est, pour sa part, biaisée et susceptible de dissimuler la forêt derrière un seul arbre. Il importe de le rappeler : le test n’est pas gratuit. Ses coûts sont plutôt remboursés par le gouvernement du Québec. Or la nuance est importante, puisque la multinationale qui se présente comme samaritaine et protectrice de l’intégrité de futures mamans n’est en rien différente des milliers d’autres corporations dont les affaires fleurissent dans la même mesure que l’éveil des consommateurs diminue. Ici, on convainc ni plus ni moins les femmes enceintes qu’elles ont intérêt à passer le test, alors que le seul intérêt en jeu est l’accroissement du chiffre d’affaire de Roche, comptabilisé semestre après semestre au grand bonheur de ses actionnaires.
 
L’exclusion, on n’aura pas attendu très longtemps pour en constater les effets. On me rapportait, il y a quelques mois, une situation on ne peut plus prévisible, observée dans une clinique médicale de Laval. Une jeune femme de 28 ans vivant avec une trisomie-21 est assise dans la salle d’attente, avec sa mère. Deux femmes enceintes se présentent au comptoir d’admission, puis prennent place en face de la jeune femme. Après une minute ou deux, l’une des femmes chuchote à l’autre : « J’ai passé le test de dépistage, et inutile de te dire que je suis contente de ne pas avoir ça. » Ce à quoi elle se voit répondre « Mets-en. » À l’impossible, nul n’est tenu, et l’on ne peut malheureusement se porter à la défense de l’enfant non encore né. Mais à l’égard de l’enfant qui est, (et qui, semble-t-il, se voit protégé par les chartes canadienne et québécoise), il est difficile de demeurer oisifs devant une campagne de sensibilisation à l’effet qu’il vaut mieux ne pas naître que de naître comme ça?
 
En termes de paradoxe, on ne saurait faire mieux : comment notre bon gouvernement peut-il, d’un côté, promouvoir des lois à caractère social s’attaquant à la discrimination et à l’ostracisme, et, d’un autre, non seulement donner son aval mais financer un programme d’élimination fondé sur la différence ? Heil, Couillard.
 
La dignité et le « gros argent », ça ne va pas ensemble. La philosophie libérale et le « gros bon sens », non plus.
 

 

Sylvain Fortin, B.Sc., D.E.S.S., LL.M.
Président
Prix du Gouverneur général du Canada pour l'entraide 2014

 

 

Lettre au Premier ministre du Québec

Objet : Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale
              Formulaire « Déclaration Complète »


Monsieur le Premier Ministre,
 
Bien que nous soyons d’allégeance et de convictions politiques différentes, il semblerait que nous soyons tous deux dévoués à une même cause, soit la défense des droits de l’individu – moi en dirigeant depuis bientôt vingt (20) ans la Maison Anne et Charles de Gaulle, le seul organisme national dédié aux intérêts des 10 500 citoyens du Québec vivant avec une trisomie‑21, et vous en chapeautant un gouvernement libéral dont les idéaux, non pas élitistes ou austères, seraient au contraire axés sur la reconnaissance de la personne (d’où une succession ininterrompue de « courbettes » politiques à l’intention des populations immigrantes et LGBTQ).
 
Mais les apparences sont souvent trompeuses… n’est-ce pas?
 
En 1997, j’ai accueilli en ce monde le plus bel être qui soit : mon fils Mathieu. Né avec une trisomie-21, Mathieu s’est rapidement imposé comme un individu à part, doué au départ d’une âme pure, sans taches et impossible à corrompre, ainsi que d’une capacité innée d’aimer toute personne sans aucune condition ni réserve. Or comme vous le savez, la trisomie-21 (à tort ou à raison, mais il s’agit là d’un autre débat) est inscrite, au Québec, au registre des déficiences intellectuelles, qui elles-mêmes sont classées en trois (3) catégories dites « légères », « moyennes » et « sévères ».
 
Ce que cela signifie en pratique, c’est qu’un très faible pourcentage des 10 500 individus québécois vivant avec une trisomie-21 (considérés comme « légers ») jouissent d’une autonomie appréciable et de l’exercice des droits civils. Ces personnes sont donc en mesure de parler, de se mouvoir, de lire, d’écrire, et même parfois de décrocher un emploi simple et d’opérer un véhicule automobile. Pour le reste de la population vivant avec une trisomie‑21, par contre, la situation est toute autre : nous parlons d’individus fortement éprouvés sur les plans physique, physiologique et intellectuel, qui ne sont d’aucune manière capables de prendre soin d’eux-mêmes et de gérer un patrimoine. Et lorsqu’il est question de trisomie‑21 « sévère » (comme dans le cas de mon fils Mathieu), l’incapacité juridique est totale, les individus concernés ne pouvant parler, se nourrir, faire leurs besoins ou même se déplacer sécuritairement sans l’aide de tiers qui leur prodiguent des soins de tous les instants.
 
Trois degrés de déficience intellectuelle, plusieurs degrés d’incapacité… Ne s’agit-il pas là d’une sphère où notre gouvernement libéral devrait faire preuve de discernement et de l’attention extrême (pour ne pas dire maniaque) qu’il accorde aux groupes de pression et aux « militants du moment »? On serait porté à le croire. Grossière erreur.
 
Comme la plupart des personnes québécoises de 18 ans et plus vivant avec une trisomie‑21, Mathieu reçoit du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (communément appelé, à juste titre, le MESS…) une prestation d’aide mensuelle. Or le soutien en question (combien généreux!) n’est pas fourni par le programme d’Aide sociale, mais bien par le programme de Solidarité sociale, ce qui au départ nous suggère l’image d’une société unie où l’entraide et le respect de l’individu sont au premier plan. Autre erreur.
 
Voyez-vous, Monsieur le Premier Ministre, la prestation d’aide à laquelle Mathieu a droit n’est pas versée du seul fait que, dans sa condition, il y A droit. Aussi absurde que cela puisse paraître d’entrée de jeu, il faut la demander (pratiquement la quémander) chaque année. Et encore plus inconcevable : la procédure est conçue de manière à ce que le citoyen vivant avec une trisomie‑21 doive lui-même présenter la demande. Or nous parlons bien, encore et toujours, d’individus dont la très grande majorité sont inaptes et incapables sur le plan juridique, de personnes qui, légalement parlant, n’ont pas l’exercice des droits civils et sont dans l’impossibilité de fournir quelque forme de consentement que ce soit. Pourtant, c’est à l’attention de ces personnes que le bien-nommé MESS transmet directement les formulaires de demande de prestation.
 
Et que penser du contenu des formulaires en question? Ici, je vous avoue (et il s’agit là d’une occurrence bien rare) demeurer bouche-bée. Le document intitulé « Déclaration Complète », adressé non pas au tuteur ou au curateur légal ou désigné, mais plutôt à la personne vivant avec une trisomie‑21 elle-même, exige que cette dernière (en cochant une série de « vrai ou faux ») fournisse de l’information et une mise à jour sur son identification, sa résidence, ses revenus et ses biens. Si une mise à jour de la situation s’impose, la personne vivant avec une trisomie‑21 est ensuite appelée à « fournir des explications ». On lui demande, en dernier lieu, de signer et dater sa déclaration. Rien de plus simple, quand on y pense. Demander à un individu inapte et incapable juridiquement s’il a une entreprise, reçoit des revenus de dividendes, possède un camion et gère des immeubles… la logique même.
 
Une autre belle preuve à l’effet que les pouvoirs législatifs et exécutifs sont distincts. Ils le sont tellement qu’ils s’ignorent l’un l’autre.
 
Lorsqu’on discute de logique élémentaire, il me semble (et qu’on me corrige si je fais fausse route) que l’on réfère à des concepts tellement évidents qu’ils frappent l’intellect collectif. Parce qu’ils sont si simples et si concrets, ils ne sont susceptibles que d’une seule interprétation et ne peuvent être appliqués que d’une seule manière, sans égard au degré d’instruction ou au background. Or d’une part, il se trouve au dossier de Mathieu (auprès du MESS) une attestation médicale à l’effet que mon fils est né et vit quotidiennement avec une « déficience intellectuelle sévère » et, d’autre part, on lui demande de déclarer par écrit des changements au niveau d’un état civil qui ne peut changer, d’un patrimoine qu’il ne peut gérer, d’un travail qu’il ne peut obtenir, et de revenus qu’il ne peut gagner. D’un côté, nous avons un Code civil qui consacre un livre entier aux « personnes » et plusieurs chapitres à la protection des « êtres vulnérables », et d’un autre, nous avons un gouvernement (est‑il toujours libéral, en de telles circonstances?) qui se complaît à ignorer totalement les RÉALITÉS qui font d’une personne un « être vulnérable ».
 
S’il est toujours question de logique, je renonce à la chercher.
 
J’ai téléphoné au programme de Solidarité sociale visé afin d’exprimer mon désarroi face à une situation aussi navrante, et ai eu le bonheur (oh, surprise!) de m’entretenir avec un fonctionnaire au ton agressif et à la compassion d’un pied de marmite en fonte. Lorsque j’ai tenté de soulever le caractère inadapté, dépersonnalisé et déshumanisant du processus de demande de prestation et du formulaire intitulé « Déclaration Complète », je me suis vu répondre bêtement qu’il « n’y avait qu’un formulaire général pour tout le monde », et que si « on était pour l’adapter, on ne finirait plus ». La conversation s’est terminée sur une note on ne peut plus bureaucratique et prévisible : « Si on ne reçoit pas le formulaire avant le 13 juillet, on coupe la prestation. »
 
Vous l’aurez deviné, un tel entretien me laisse bien insatisfait et avec un goût amer en bouche, puisque nous savons tous que le propre du gouvernement libéral est, justement, d’adapter ses humeurs à la direction du vent… tant qu’il peut en retirer un bénéfice. Le problème n’est pas que la procédure ne peut être adaptée : il réside plutôt dans le fait qu’aux yeux du gouvernement, la population de personnes vivant avec une trisomie‑21 du Québec n’en vaut ni la peine, ni l’effort. Nos concitoyens vivant avec une trisomie‑21 ne travaillent pas, ne consomment pas. Ils ne paient ni taxes, ni impôts, ni frais de mutation immobilière, ni électricité, ni services. Ils ne font pas, sans réfléchir, des enfants qui engorgent les systèmes d’éducation et de santé, justifiant éventuellement coupure sur coupure et des augmentations de salaires correspondantes pour les haut-placés. Parce qu’ils sont « vulnérables », ils sont coupables de ne pas être rentables, d’entraîner des dépenses au lieu de les encourir.
 
Et puisqu’il nous faut parler de revenus et de dépenses, que faut-il donc penser du soutien financier accordé par le gouvernement libéral à la Fondation du Dr. Julien, de l’ordre de quarante-cinq millions de dollars (45 000 000 $) au cours de votre seul mandat? Parlons-nous ici d’un salaire corporatif un tant soit peu proportionnel, honnêtement gagné à défendre jour après jour les intérêts de milliers de concitoyens nés et vivant avec une déficience intellectuelle? Pas du tout : ce qu’on rémunère, c’est l’allégeance politique. Chacun des intervenants et des bénévoles œuvrant au service de la Maison Anne et Charles de Gaulle travaille plus fort, chaque jour, que la Fondation du Dr. Julien dans son ensemble. Mais en reste-t-il, des fonds, pour nous? Bien sûr que non – nous ne sommes ni médecins, ni de conviction libérale. La générosité commence à la maison… et n’en sort jamais.
 
Du reste, vous vous souviendrez peut-être que le 30 septembre 2004, dans la salle du conseil législatif de l’Hôtel du Parlement, je m’étais adressé à vous, en tant que Ministre de la Santé, dans le cadre d’une consultation générale et d’auditions publiques sur le projet de loi numéro 56 modifiant la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées et d’autres dispositions législatives. À cette époque, déjà, les interventions de la Maison Anne et Charles de Gaulle visaient à définir et à faire reconnaître la spécificité des personnes nées et vivant avec la trisomie-21 – une mission qui, de toute évidence, n’avait retenu votre attention.
 
À une époque où il semble que les jours de la philosophie libérale soient comptés, je m’adresse à tous nos leaders, sans égard à leurs idéologies personnelles. Un gouvernement demeure un gouvernement, peu importe qui le dirige. Libéral, Caquiste, Péquiste… autant de mots sans grande importance lorsqu’il importe de revenir à la base – celle de la démocratie. Peu importe qui remportera les élections d’octobre prochain, il y aura toujours au Québec un ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, et il est inconcevable, inacceptable et inadmissible qu’un tel ministère refuse de tenir compte de la réalité de ses citoyens et d’adapter sa correspondance et ses modes de communication aux personnes à qui il s’adresse et prétend offrir des services. On ne cesse pas d’être une personne parce qu’on est « vulnérable », pas plus que l’on cesse d’être « vulnérable » lorsqu’on vit avec une trisomie-21. Le gouvernement veille sur des personnes, non sur des catégories de biens.
 
Lorsqu’on m’affirme qu’on « en finirait plus » si on devait « adapter un formulaire à tout le monde », je sens ma température et ma pression sanguine monter de plusieurs crans. Insinuer qu’adapter la position du Ministère se traduirait par l’émission de plusieurs types de formulaires dénote une ignorance de tout premier plan. Le raisonnement demeure simple : ou le formulaire est utile, ou bien il ne l’est pas. Lorsqu’on y pense (ou plutôt, lorsqu’on prend le temps d’y penser), combien de temps, de ressources, de personnel et d’argent faudrait-il investir dans le processus d’attribution suivant :
 
( 1 )    Une simple vérification du dossier (MESS) du citoyen visé par la prestation indiquera s’il est atteint d’une déficience intellectuelle « légère », « moyenne » ou « sévère ». 
 
( 2 )    Si le concitoyen est atteint d’une déficience intellectuelle « moyenne » ou « sévère », il est inapte et incapable juridiquement (parce que pourvu d’un tuteur ou d’un curateur) et l’envoi de la « Déclaration Complète » est inutile.
 
( 3 )    Si le concitoyen est atteint d’une déficience intellectuelle « légère », de sommaires vérifications au Registre de l’État Civil et à d’éventuels dossiers d’emploi ou de taxation confirmeront s’il est marié, travaille, et/ou gagne un revenu. Dans ce seul cas, l’envoi à son attention de la « Déclaration Complète » sera justifié.
 
 
En bout de ligne, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale y gagnera au change : en ciblant l’envoi de correspondances et en le limitant à quelques dizaines d’exemplaires, il réalisera des économies de temps et d’argent. Pour une fois, par contre, il le fera en respectant le droit fondamental de ses concitoyens à l’honneur et à l’intégrité.
 
Votre tout dévoué,

 

Sylvain Fortin, B.Sc., D.E.S.S., LL.M.
Président
Prix du Gouverneur général du Canada pour l'entraide 2014

 

 

Propos discriminatoires tenus lors d'une émission de télévision

Le lundi 19 octobre 2015, à 18h30, la station de télévision V a diffusé une émission produite par Zone 3 intitulée Un souper presque parfait. Lors de cette émission, ont été diffusés les propos d'une participante à cette émission :

«Les handicapés ont pas leur place dans la société, genre. On peut pas traiter les handicapés et le monde qui sont fous de la même façon que nous. Y font pas partie de la société, en tant que telle, parce que nous on paie pour eux. Mais eux-autres y contribuent à rien à la société. C'est une classe à part. Y en a qui sont moins graves que d'autres, qui peuvent travailler, avoir une famille et tout, mais les handicapés graves, excuse, mais y a rien à faire avec eux.»

D'autre part, le site web de l'émission présente celle-ci de la façon suivante :

«Un souper presque parfait est une émission désopilante (…)»

Ces propos sont offensants et discriminatoires. Ils portent directement atteinte aux droits des personnes qui vivent avec une trisomie 21. Les préjugés qui y ont été véhiculés et le ridicule qu'ils souhaitaient susciter sont grossiers, fortement répréhensibles, et ils portent atteinte à la dignité humaine et à celle des personnes qui vivent avec une trisomie 21. Loin de susciter le rire, ces propos suscitent l'inquiétude, la déception, la tristesse, des préjugés et une grave atteinte aux droits les plus fondamentaux de toute personne : ceux à la dignité, à l'égalité et à la non‑discrimination.

Les téléspectateurs ont été nombreux à entendre ces propos que le télédiffuseur et le producteur de la Série ont choisi délibérément de présenter en télédiffusion. En réponse à la mise en demeure que la Société québécoise de la Trisomie‑21 leur a fait parvenir, ceux‑ci nous ont notamment répondu que les propos ci-haut mentionnés : «ne contreviennent pas aux lois applicables». Selon les statistiques les plus récentes, on dénombre 10 230 personnes au Québec qui vivent avec une trisomie 21 et avec les défis que comporte cette déficience intellectuelle.

Le préjudice porté aux personnes qui vivent avec une trisomie 21 est survenu.

 

Compte tenu de la gravité des propos offensants et discriminatoires et des préjugés que l'émission a véhiculés, nous avons porté plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, au Protecteur du citoyen ainsi qu'à l'Office des personnes handicapées du Québec afin que ceux-ci assure un suivi juridique aux propos discriminatoires cités plus haut. Tous nous ont répondu qu'ils étaient dans l'impossibilité d'accueillir notre requête en raison qu'il n'y a pas de cause d'action judiciaire, en droit québécois, lorsque des propos méprisants sont formulés à l'égard d'un groupe de personnes. Pour nous, cela représente une lacune majeure dans la législation québécoise et nous avons recommandé au législateur québécois d'apporter des modifications à la législation afin qu'il soit introduit dans la Charte une disposition qui interdise les propos ou les actes qui exposent ou tendent à exposer des personnes ou des groupes de personnes à la haine par quelque moyen que ce soit, pour un motif de discrimination interdit.

 

Sylvain Fortin, B.Sc., D.E.S.S., LL.M.
Président
Prix du Gouverneur général du Canada pour l'entraide 2014

 

 

Prix du Gouverneur général du Canada pour l'entraide

Son Excellence le très honorable David Johnston, Gouverneur général du Canada, a remis le Prix du Gouverneur général pour l’entraide à Monsieur Sylvain Fortin lors d’une cérémonie qui a eu lieu le mardi 14 avril 2015, à 10 h 30, à Rideau Hall.

Cette cérémonie a marqué le 20e anniversaire de la création du Prix du Gouverneur général pour l’entraide et a été l’une des activités au programme de Son Excellence pour souligner la Semaine nationale de l’action bénévole, du 12 au 18 avril 2015.

Créé en 1995, le Prix du Gouverneur général pour l’entraide rend hommage à des Canadiens et à des résidents permanents, de leur vivant, qui ont apporté une contribution importante, soutenue et non rémunérée à leur collectivité, au Canada ou à l’étranger. Œuvrant souvent dans l’ombre, ces individus donnent bénévolement de leur temps pour venir en aide à leurs concitoyens. Le prix permet en outre de reconnaître l’action exemplaire de ces bénévoles, dont la compassion et l’empathie témoignent si bien du caractère national.

CITATION
Sylvain Fortin
Laval (Québec)

Depuis plus de 15 ans, Sylvain Fortin agit comme président de la Société québécoise de la Trisomie-21. Son altruisme à l’égard des personnes vivant avec une trisomie est remarquable. Il investit son temps pour créer une maison chaleureuse et adaptée pour les adultes handicapés, qui pourraient y vivre et profiter d’activités de jour. M. Fortin se démarque par son humanité, son dévouement et sa générosité.

 

 

Journée internationale de la Trisomie-21 2015

Avec la quantité d’appels ou de signaux qui nous parviennent quotidiennement, il est naturel que nous n’en retenions qu’une faible partie. Devenu pléthorique, notre monde moderne ressemble à une vaste caisse de résonance où une multitude de voix cherchent à se faire entendre et à attirer notre attention. Depuis l’apparition des médias sociaux, ce phénomène s’est encore accentué. Les occasions qui nous sont données de nous joindre à des mouvements, de signer des pétitions, de participer à des manifestations, de souligner des événements ou encore de commémorer des journées jugées dignes d’intérêt sont devenues légion. Sur le seul site web des « Journées mondiales » (www.journee-mondiale.com/les journes-mondiales.htm) consacrées à une cause ou à un sujet à travers le monde, on en trouve répertoriées près de 400! Parmi celles-ci, certaines réfèrent à de nobles causes (Journée mondiale de la Paix, de la Femme, de l’eau, de la justice sociale, etc.); d’autres renvoient à des commémorations plus ou moins accessoires, comme la Journée mondiale de la plomberie, du moineau, du macaron, du bricolage, du tricot, de la serviette… Il y en a même une consacrée au Nutella! C’est dire le ridicule, la médiocrité à laquelle nous sommes parvenus dans l’expression de nos intérêts. La surabondance en tout finit par détruire le sens commun, et même le sens tout court.

Il se trouve qu’en ce 21 mars 2015, parmi six autres commémorations, une Journée mondiale est consacrée à la Trisomie 21. Je tiens à le souligner, car ceux et celles qui en sont affectés sont parmi les plus démunis dans nos sociétés. C’est si vrai que l’ONU elle-même a tenu à leur consacrer une journée.

Une volonté de l’ONU

Décrétée le 19 décembre 2011 lors d’une Assemblée générale des Nations Unies (résolution A/RES/66/149), la Journée mondiale de la Trisomie 21 fut commémorée pour la première fois en 2012. S’inscrivant dans la suite de la Convention relative aux droits des personnes handicapées qui avait été conclue à New York en décembre 2006, cette Journée est distincte de celle réservée aux personnes handicapées qui a lieu chaque année le 3 décembre. Pourquoi cette reconnaissance particulière? Sans doute parce que les personnes atteintes par cette anomalie génétique représentent des défis particuliers pour la société et qu’on a mis du temps à le réaliser. Cette reconnaissance est manifeste dans l’allocution qu’a tenue le Secrétaire général de l'ONU, M. Ban Ki-moon, le 21 mars 2014 : « Très souvent, les personnes handicapées – notamment celles qui souffrent de la trisomie 21 – sont en proie à la stigmatisation, à la discrimination et à l’exclusion. L’absence de participation pleine et égale de ceux qui en sont atteints touche non seulement ces personnes et leur famille, mais la société tout entière ». Ce fait, rappelle-t-il, a été reconnu par les États Membres lors de la Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur la question du handicap et du développement tenue en 2013.

Alors que nous venons tout juste de commémorer la Journée mondiale de la Femme le 8 mars dernier, il est important de souligner que l’inégalité des sexes existe aussi parmi les handicapé(e)s. Dans son préambule, à son alinéa q), la Convention relative aux droits des personnes handicapées reconnaît en effet que « les femmes et les filles handicapées courent souvent, dans leur famille comme à l’extérieur, des risques plus élevés de violence, d’atteinte à l’intégrité physique, d’abus, de délaissement ou de défaut de soins, de maltraitance ou d’exploitation » que ceux du sexe opposé. Devrait-on s’en surprendre quand on voit le sort réservé aux femmes dans le monde?

Une obligation pour les États membres signataires?

Rappelons que lors de cette résolution l’Assemblée générale a non seulement invité tous « les États Membres, les organismes compétents du système des Nations Unies et les autres organisations internationales » (de même que la société civile, les organisations non gouvernementales et le secteur privé) à célébrer cette Journée, mais à poser des « gestes concrets » afin de sensibiliser l’opinion publique à cette question. Parmi les États Membres qui ont approuvé et signé cette résolution se trouve le Canada. Quelles sont les obligations attachées à cette résolution? Les États Membres signataires ont-ils des comptes à rendre, sont-ils passibles de sanctions s’ils ne donnent pas de suite à leurs engagements? Dans son article 8 (Sensibilisation), par exemple, il est stipulé que les États Parties « s’engagent à prendre des mesures immédiates, efficaces et appropriées » en vue de sensibiliser l’ensemble de la société à la situation des personnes handicapées, à promouvoir leurs droits et leur dignité, à combattre les stéréotypes, les préjugés et les pratiques dangereuses à leur égard (y compris ceux liés au sexe et à l’âge), et à mieux faire connaître les capacités et les contributions des personnes handicapées.

Bon nombre de familles québécoises (plus de 10 000) qui vivent avec des personnes porteuses de la Trisomie 21 ont beaucoup espéré de ces engagements. Elles attendent toujours… Tout comme la Société québécoise de la Trisomie-21 qui se trouve aujourd’hui acculée à une quasi-paralysie faute de moyens financiers. Sur qui ces familles pourront-elles dorénavant compter pour mener à bien ces campagnes de sensibilisation qui pourraient faire une différence dans leur vie?...

 

Sylvain Fortin
Président
Prix du Gouverneur général du Canada pour l'entraide 2014

 

 

La Trisomie-21 et le devoir de réserve du médecin (août 2014)

Qu’en est-il aujourd’hui du diagnostic prénatal de la Trisomie-21 et du devoir d’informer des médecins? Comment cela se présente-t-il concrètement dans les milieux hospitaliers?

En tant que président de la Société québécoise de la Trisomie-21, il m’est arrivé à de nombreuses reprises d’échanger avec des mères qui avaient reçu ce diagnostic et ne savaient plus vers qui se tourner pour avoir un conseil juste et éclairé, accueillant, sans préjugés. Écartelées entre leur désir d’avoir un enfant et la culpabilité de donner naissance à un enfant qui n’allait pas être « normal », elles étaient prises au piège d’un terrible dilemme qu’elles n’arrivaient pas à trancher. Elles hésitaient surtout à confier le sort de leur enfant au médecin qui leur avait annoncé la « mauvaise nouvelle » avec un air déploré ou affligé, des mots de regret, de plates excuses de ne pouvoir en faire plus, pour, à la fin, leur conseiller fortement de se faire avorter…

Laissez-moi vous raconter le témoignage de l’une d’elles qui m’a particulièrement troublé et qui, aujourd’hui encore, continue de me troubler. Cette femme, la voix tremblante d’émotion, me raconte dans les termes les plus simples que sa vie s’est subitement brisée six ans auparavant. Visiblement sous l'emprise d'un deuil inachevé, pesant chacun de ses mots, modulés par des larmes qu’elle ne peut contenir, cette femme m'explique qu'enceinte de quelques semaines, au moment de son test de dépistage prénatal à l'Hôpital Sainte-Justine, l'obstétricien lui a annoncé froidement : « Votre enfant est porteur d'une trisomie-21. Je vous encourage fortement à vous faire avorter sans quoi cet enfant va gâcher votre existence... Je peux vous faire suivre dès maintenant en vue d'un avortement. » Paroles terribles, s’il en est, tombant comme un couperet sur une femme qui attend précisément qu’on la comprenne et la rassure alors qu’elle est en état de choc.

Comment un médecin, spécialiste de surcroît, peut-il agir de la sorte, faisant complètement fi du Code de déontologie des médecins auquel il est soumis et qui l’oblige à obtenir du patient, dans le respect le plus grand de sa personne et de ses droits, un consentement libre et éclairé, dégagé de toute contrainte ou de toute influence indue? Dans l'intérêt de sa patiente, ce médecin aurait pu consulter un confrère ou toute autre personne jugée compétente en la matière, ou encore la diriger vers d’autres ressources. Il aurait surtout pu lui laisser un temps de réflexion approprié.

À la fin de son récit, la dame me confie, la voix chargée de tristesse : « Vous savez, monsieur Fortin, si on m'avait dit que c'était possible d'être heureux avec un enfant porteur d'une trisomie-21, je ne me serais jamais fait avorter. Je l'aurais gardé, cet enfant-là ».

Cet exemple est typique du préjudice que peut engendrer une affirmation aussi peu éclairée, nourrie de préjugés et d’ignorance, à la limite criminelle! Car qui est-on pour décider qui a droit à la vie et qui n’y a pas droit? Qui est-on pour prétendre qu’il vaut mieux ne pas naître que de venir au monde avec une Trisomie-21? Je connais un grand nombre de mères qui n’ont pas regretté le choix de poursuivre leur grossesse et qui, aujourd’hui, remercient le ciel pour le cadeau qui leur a été accordé. Elles avaient découvert que ces enfants ont des qualités exceptionnelles, qu’ils ont l’art d’éveiller en chacun de nous ce qu’il y a de meilleur! N’est-ce pas déjà beaucoup!

Certes, les enfants nés avec une trisomie-21 présentent une déficience au niveau intellectuel et sont différents de la plupart d’entre nous. Mais où est-il écrit que différence ne peut rimer avec joie de vivre et harmonie, que la déficience dont il est ici question est incompatible avec une vie épanouie et heureuse, où l’amour règne et circule en toute liberté ? Vous en connaissez beaucoup, vous, des gens capables d'aimer inconditionnellement, des gens qui ont la capacité de vivre sans préjugés envers les autres, qui sont toujours prêts à pardonner et à aimer, sans réserve? Qui, par leur exemple même et en raison de leur fragilité, vous invitent au dépassement de vos propres limites?

Aujourd'hui, je suis en mesure de réaliser à quel point la vie prend parfois de curieux détours pour nous toucher en plein cœur, brutalement, afin de nous enseigner les valeurs qui feront de nous de meilleures personnes. Il aura fallu la naissance de mon fils Mathieu, porteur du gène de la Trisomie-21, pour que je découvre qui je suis vraiment, que je réalise pleinement mon humanité. Ce fils, que j’aime plus que tout, est mon salut et ma joie. Il a ennobli ma vie.

 

Sylvain Fortin
Président
Détenteur d’une Maîtrise en droit de la santé
 

 

Utilisation du pistolet Taser sur une personne vivant avec une trisomie-21 : le préjudice de vivre

Il y a un an et demi, lorsqu'un homme de 45 ans vivant avec une trisomie‑21 a fait l'objet de l'utilisation du pistolet Taser, le sergent du service de police de la Ville de Québec avait pris cette décision en absence de toute justification de cette mesure et a, par le fait même, fait montre d'un manque de jugement innommable.  Faut-il comprendre que pour le bien du bénéficiaire, il faut le tirer au Taser parce qu'on manque de personnel compétent au centre d'hébergement où la personne atteinte de trisomie-21 séjourne? 
 
Il est manifeste que l'utilisation de cette arme a certainement provoqué des effets dévastateurs sur le plan psychologique de la victime tels le repli, la tristesse, la peur, les craintes, etc.  L'utilisation du Taser crée donc des paradoxes entre la protection souhaitée (mais laquelle?) et les effets délétères.  Un dilemme éthique se pose.  En centre d'hébergement pour personnes déficientes intellectuelles, doit-on protéger ou faire du tort?  Doit-on protéger le droit à l'autodétermination ou à la protection?
 
Cette situation vécue par cet homme de 45 ans nous rappelle que l'espérance de vie des personnes atteintes de trisomie-21 est grandissante.  Il n'y a pas si longtemps, elle se situait autour de la vingtaine.  Les parents d'autrefois survivaient à leur enfant trisomique.  Aujourd'hui, ce sont les enfants atteints de trisomie‑21 qui survivent à leurs parents qui sont dans l'obligation, à un âge avancé, de porter aux «bons soins» des centres d'hébergement leur enfant qu'ils ont couvert d'amour et de tendresse.
 
Comme le bénéficiaire de la région de Québec avait 45 ans, est-ce que son agitation n'était pas liée à sa façon bien personnelle d'exprimer sa volonté de voir son père ou sa mère?  Si les intervenants ne sont pas en mesure de décoder le comportement non-verbal des personnes atteintes de trisomie‑21, il est inquiétant pour les parents d'aujourd'hui de savoir qu'un jour ils confieront leur propre enfant qu'ils auront chéri toute leur vie à des incompétents qui œuvrent dans les centres d'hébergement administrés par l'État.
 
Les Chartes canadienne et québécoise nous rappellent que les droits fondamentaux de la personne atteinte de trisomie-21 de la région de Québec ont été ignorés sauvagement.  Les notions liées à la dignité humaine, à la sécurité, à la protection, à l'intégrité et à la protection contre ce traitement cruel ont été bafouées.  Le Code civil du Québec stipule que la personne est inviolable alors que dans les circonstances présentes, le service de police de la Ville de Québec a porté des voies de fait et une négligence criminelle grave à l'endroit de la personne atteinte d'une trisomie‑21. 
 
Pour son appui aux conclusions du Comité interministériel Santé et Sécurité publique rendues publiques ce mois-ci, qui permet à l'avenir de laisser au «bon jugement» des policiers l'utilisation du pistolet Taser, l'Office des personnes handicapées du Québec doit être démantelé sur le champ. 

 

Sylvain Fortin
Président
Détenteur d’une Maîtrise en droit de la santé